Nous partons d’un constat : si dans certaines cultures – mêmes voisines – les personnes âgées sont perçues comme de véritables livres incarnés, puis de connaissances et guides spirituels pour les plus jeunes, en France contemporaine les anciens sont – dans la majorité des cas – isolés dans des structures spécialisées pour y terminer leurs jours, n’étant plus considérés d’intérêt pour la société ou étant mis à l’écart du fait d’une maladie, par exemple. Un isolement fortement aggravé par le protocole sanitaire établi ces dernières années en raison de la pandémie. Nous sommes pourtant convaincu·e·s de la nécessité d’un brassage intergénérationnel et d’une revalorisation du public âgé.
C’est dans ce contexte que s’inscrit notre projet Théorie des Cordes, une création radiophonique hybride où la voix est l’ingrédient principal et s’envisage ici comme vecteur d’identité, de mémoire mais également comme une matière plastique extrêmement riche. Par le biais de conversations enregistrées, d’improvisations vocales guidées, de transmission de chants, de récits de vie et autres actions sonores, explorer sa voix devient un acte de réappropriation de soi où l’on vient briser le silence, se connecter aux autres et occuper un espace identitaire et créatif fort. Une expérience d’autant plus enrichissante si ses acteur·ices sont d’origines géographiques et culturelles diverses avec sûrement, des langues amenées à se mélanger et donc un terrain sonore fertile.
Avec Théorie des Cordes, nous avons à cœur de mener un travail interactif de recherche et de transmission réciproque. Ensemble, nous expérimenterons l’écoute, la fine lisière entre le parlé et le chanté, le potentiel musical de la voix et de son traitement par le montage. Nous envisageons la pièce comme une odyssée vocale, faite de plusieurs portraits sonores et où pourront cohabiter aussi bien un témoignage de vie qu’un chant de berceuse ou des phonèmes en saccades.
En parallèle de cette réalisation sonore est prévue une série photographique intramuros : Camera. Il s’agira de mettre en lumière l’espace de la chambre – habituellement temple de l’intime et d’expressions identitaires – en questionnant les manières dont l’on peut s’approprier ce lieu lorsqu’il est interchangeable, qu’il nous a été imposé ou qu’il est partie d’une structure de transit proche du “non-lieu”. Ce terme s’envisage dans son sens anthropologique, comme décrit par l’ethnologue Marc Augé. Des portraits de chaque participant·e seront également immortalisés.